Work Cited
Fink, Gonthier Louis (1997) “Cosmopolitisme.” In Dictionnaire européen des lumières, edited by Michel Delon, 277-279. Paris: Presses Universitaires de France.
« Le XVIIIe siècle est le siècle du cosmopolitisme » (L. Réau). (277)
« En 1690, le Dictionnaire universel de Furetière, qui ne connaît pas encore le terme « cosmopolite », le définit indirectement à l’article « Patrie », en se référant à la tradition stoïcienne : « Un philosophe est partout en sa patrie. » Pour le Dictionnaire de Trévoux (1721) un cosmopolite est un « citoyen de l’univers », « un homme qui nulle part n’est étranger ». Cette définition repose sur l’universalité de la nature humaine. Mais s’intéresser à l’homme en général n’implique pas nécessairement ouverture sur le monde, car cela peut signifier qu’on oublie la diversité du genre humain ; et la perception de l’altérité peut soit impliquer la tolérance, voire une fraternité active, soit conduire à une vue manichéenne, traduire aussi bien une indifférence sceptique que la curiosité ou la soif d’exotisme. Quand le Dictionnaire de l’Académie française (1762) déclare qu’un cosmopolite est « celui qui n’adopte point de patrie, […] n’est pas un bon citoyen », il reflète la méfiance que suscitait alors le cosmopolitisme. » (Fink 1997, 277)
Du narcissisme au cosmopolitisme
« Grâce à l’hégémonie politique et culturelle de la France de Louis XIV et même de Louis XV, Versailles et Paris devinrent « le modèle des nations étrangères ». » (Fink 1997, 277)
Cependant, l’Europe française qui reposait sur « l’universalité » de la culture et de la langue française (Rivarol), ne relève que partiellement du cosmopolitisme :
- Parce que les tenants du classicisme français confondaient leur modèle et l’universalisme, ce qui leur permettait de juger les autres nations selon leurs critères. Narcissisme français et curiosité pour l’étranger.
- Parce que l’universalisme était amputé de sa dimension historique : en admettant que les mentalités étaient conditionnées par le climat et l’histoire, il légitimait l’opposition entre civilisés et barbares.
Ainsi au début le XVIIIe n’était guère plus cosmopolite que le XVIIe.
Ce sont les journaux qui rendaient compte de ce qui étaient digne de la curiosité des Gens de lettre. La république des lettres élargissait l’horizon national de ses membres.
« Tout comme Bayle, Beausobre déclara : « Le sage doit être Cosmopolyte, […] il ne doit avoir de patrie que la ou règnent le bon sens et la raison, et de compatriotes, que ceux qui, comme lui, s’attachent à la recherche du vrai » (Mercure de France, 1750). » (Fink 1997, 277)
Les revues savantes trouvèrent leur prolongement dans les hebdomadaires moraux adressés aux classes moyennes.
Le cosmopolitisme se marque par le « Grand Tour » des aristocrates voyageant en Europe.
Confrontations avec d’autres civilisations
La documentation mise à disposition sur les autres pays étaient importante.
On confrontait l’Europe avec la diversité du genre humain. « Le changement saute aux yeux dès que l’on compare le Discours sur l’histoire universelle de Bossuet, confiné au monde judéo-chrétien et classique, avec l’Essai sur les mœurs de Voltaire, qui, brisant le carcan de la chronologie biblique, commence son histoire universelle avec la Chine » (Fink 1997, 278)
Considérées comme accessoires les différences entre les hommes parurent alors à certains essentielles. S’opposent deux visions, toutes deux eurocentriques :
- Sauvage barbare
- Mythe du bon sauvage (le barbare est l’homme civilisé)
« Avec le Discours sur les sciences et les arts de J.-J. Rousseau le changement de paradigme devint effectif : non la civilisation mais la nature devait servir de critère » (Fink 1997, 278).
La Chine obligea l’Europe à reconnaître une autre civilisation. Sensibles à son ancienneté, les jésuites en gommèrent l’altérité, estompant les différences entre confucianisme et christianisme.
« Le cosmopolitisme du XVIIIe siècle eut au fond deux faces : la curiosité pour ce qui est autre, exotique, avec au mieux l’acceptation de l’altérité, ce dont les jésuites ont donné l’exemple ; par ailleurs, expression de l’insatisfaction au sein de l’Europe, l’autre est proposé comme modèle avec, en contraste, la critique de la patrie pour l’inciter à faire des réformes, procédé dont se sont servis Voltaire, Raynal et bien d’autres philosophes » (Fink 1997, 279).
Dans les Lettres Persanes, Montesquieu propose une troisième voie en contre-pied du narcissisme et de l’ethnocentrisme : faire observer les gestes de la France par un étranger qui dans une optique naïve trouve étrange ce qui paraît familier à l’autochtone et démasque les absurdités et incohérences. Genre satirique qui apprit à l’Europe à relativiser ses critères.
Apogée et crise du cosmopolitanisme
Favorisé par la franc-maçonnerie qui appelait à former une grande république universelle basée sur l’égalité et la fraternité, le cosmopolitisme fut à la mode entre 1730 et 1760. Selon Helvétius, plus les nations devenaient éclairées, plus elles s’ouvraient les unes aux autres (De l’Esprit, 1758).
Critique de Rousseu, Palissot et de Belloy.. Lessing déplore que le cosmopolitisme efface les différences nationales. Herder, Wieland et Kant se distancèrent du csomopolitisme trop politique de certains encyclopédistes pour plaider une évolution lente et organique dans le concert des nations européennes.
pas mal du tout